OUVRAGES
Andrew Christensen PhD & Jacobson Neils S PhD (2012)
Couples en difficulté, Accepter les différences Collection Comprendre ;
Edition DEBOECK Universités, Bruxelles
Traduction François Allard et coll… (Eds)
Titre original : Reconciliables Differences, Guildford.
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Introduction à la traduction par Andrew Christensen 2012.
Je suis enchanté que Reconciliable Différences soit traduit en français. J’ai eu le plaisir d’animer des ateliers de formation clinique à la Thérapie de Couple Comportementale Intégratrive (IBCT) pour des psychologues et des psychiatres français ou francophones en France et en Belgique ces dernières années. En septembre 2012, j’anime un atelier de formation clinique à Lausanne, devant un public suisse francophone. J’ai pu observer comment tous ces professionnels de la santé mentale ont répondu positivement à l’IBCT. Il m’a donc semblé utile que cette approche contextuelle fonctionnelle intégrative soit mise à leur disposition et puisse aider les couples concernés. Maintenant, cet objectif est en partie atteint avec cette traduction française.
Même si nous avons beaucoup de points communs avec celui/celle que nous aimons, chacun d’entre nous reste un être humain unique. Et même si nous nous aimons, nos différences provoqueront de toute façon des conflits. Nous nous sentons parfois blessés ou ignorés, amers ou fâchés et nos disputes font souvent empirer le problème. Quelque chose arrive et l’habitude fait que nous désignons notre partenaire comme coupable.
Cela vous semble-t-il familier ? S’il en est ainsi, vous n’êtes pas seuls. Essayer de vous battre pour obtenir que votre partenaire change est voué à l’échec. S’il est aisé pour vous de comprendre votre propre point de vue, comprendre celui de la personne que vous aimez s’avère bien plus difficile. Votre relation s’améliorerait passablement si seulement et seulement s’il/elle voyait les choses de votre manière. D’où la conclusion évidente que tout irait mieux si seulement il/elle faisait les quelques petits changements comportementaux nécessaires.
Cependant, comme vous le savez sans doute, essayer de changer l’autre, même s’il/elle est motivée par l’amour et la fidélité envers vous, est le plus souvent illusoire.
Obtenir un changement de la part de votre conjoint sans montrer de compréhension envers sa position personnelle est difficile, souvent impossible, comme nous avons pu l’apprendre au cours de plus de deux décennies de pratique clinique et de recherche dans le domaine de la thérapie de couple.
Quand Neil Jacobson et moi nous sommes rencontrés, il y a plus de vingt-cinq ans, nous étions deux partisans de l’approche comportementale et très attachés à la thérapie à laquelle nous avions été formés. Ce type de thérapie comportementale de couple « classique » à l’époque, que désormais nous appelons « Traditionnelle », enseignait et enseigne toujours la communication en couple, et entraine à développer des habiletés et des compétences en résolution de problèmes afin que les membres du couple puissent opérer des changements positifs dans leurs comportements l’un vis-à-vis de l’autre. Dans des études menées en Amérique du Nord, en Allemagne, en Australie et ailleurs, l’approche comportementale s’était montrée supérieure dans l’aide aux couples en améliorant leur degré de satisfaction et en réduisant les conflits relationnels, cela en prenant comme point de comparaison des groupes témoins ou l’absence de traitement. L’efficacité de l’approche comportementale a été ainsi soutenue par un plus grand nombre de recherches que toute autre forme de thérapie de couple.
Neil est devenu le principal représentant de ce type de thérapie de couple (Behavioriste Traditionnelle) et il a produit certaines des meilleures études de recherche sur les résultats, démontrant ainsi son efficacité. Cependant, ses propres études et celles d’autres chercheurs ont montré les limites de cette approche : un bon tiers des couples ne répondaient pas au traitement et même parmi ceux qui ont vraiment répondu positivement, un nombre substantiel de rechutes a eu lieu dans les années qui ont suivi le traitement. Donc, d’un point de vue scientifique, le meilleur traitement de couple disponible à l’époque n’était pas totalement bon[1].
En 1991, quand Neil m’a invité à parler à l’Université de Washington, nous avons découvert que nous avions, séparément et simultanément, commencé à expérimenter chacun une approche différente des couples en conflit et du conflit de couple. Quoiqu’elles ne soient pas identiques, nos interventions avaient une chose en commun : la promotion de l’acceptation en plus du changement. Nous avions développé des voies par lesquelles les partenaires pouvaient faire l’expérience de leurs fragilités normales et les accepter. Ce sont ces fragilités que nous avons tous, avec les incompatibilités qui surgissent très naturellement entre deux personnes à tout jamais uniques, semblables et différentes.
Avec l’acceptation, il arrivait souvent quelque chose de paradoxal : beaucoup de besoins et de demandes de changement disparaissaient et chaque partenaire devenait alors davantage enclin à produire ces changements des plus importants pour l’autre.
Nous avons décidé de combiner nos forces dans le développement de notre nouveau traitement et dans la recherche d’une subvention qui nous permettrait de tester son efficacité. En 1993, nous avons obtenu une fond pour trois ans de l’Institut national de Santé Mentale (NIMH) pour conduire une petite étude pilote comparant notre nouveau traitement avec la Thérapie de Couple Comportementale « Traditionnelle ». Pour notre étude pilote, nous avons formé cinq psychologues-psychothérapeutes à notre nouvelle approche, que nous avons appelée la Thérapie de Couple Comportementale Intégrative (IBCT), et autant de psychologues formés à la Thérapie de Couple Comportementale Traditionnelle (TBCT). Vingt et un couples en détresse, qui ont eu la possibilité d’avoir jusqu’à vingt-cinq séances de thérapie, ont été aléatoirement assignés à une des deux approches.
Basés sur des évaluations de ces couples avant le traitement, et immédiatement après, ainsi que des évaluations lors des périodes de suivi, nous avons constaté que les relations des couples ayant eu accès au nouveau traitement intégratif se trouvaient considérablement améliorées par rapport aux couples du groupe ayant reçu le traitement traditionnel, même si on notait également une amélioration.
Encouragé par ces résultats, nous savions que seule une étude avec un échantillon plus grand et plus large de couples et une évaluation plus vaste du suivi fournirait la preuve définitive du bon résultat de notre nouveau traitement IBCT. En 1997, l’Institut National de Santé Mentale nous a financés pour une étude de cinq ans avec 134 couples, ce qui, à notre connaissance, est l’échantillon le plus grand et l’évaluation la plus vaste en thérapie de couple conduite jusqu’à présent. Nous avons choisi les couples dont la discorde conjugale était sérieuse et chronique, ce qu’on nomme couple en détresse, pour mieux tester le traitement. Tous ont été aléatoirement assignés à un des deux traitements et ils ont également reçu jusqu’à vingt-six séances de thérapie de couple. Dans les deux conditions de thérapies, les résultats ont montré une amélioration substantielle des relations et celle-ci a été en grande partie maintenue pendant les deux premières années de suivi. Au suivi sur deux ans, 69 % des couples en IBCT et 60 % des couples en TBCT ont montré une amélioration des relations cliniquement significative quant à leur fonctionnement initial. Les couples IBCT ont montré une amélioration significativement plus grande que ceux en TBCT pendant les deux premières années post thérapie. Pendant les trois années suivantes, nous avons découvert qu’un certain nombre de couples ont malgré tout rechuté, soit cinq ans après la fin du traitement. 50 % de couples condition IBCT et 45.9 % condition TBCT sont restés dans la zone évaluée comme « significativement améliorés ». Les différences obtenues entre les deux traitements sont donc bien statistiquement significatives. Nous avons conclu à un avantage de l’IBCT sur la TBCT. De même, pour des couples en détresse chronique, comme ceux de notre étude, quelques séances supplémentaires ou de rappel, pourraient être nécessaires pour maintenir les effets du traitement.
Tous les couples attribués à la Thérapie de Couple Comportementale Intégrative ont reçu ce livre comme guide d’accompagnement de leur traitement. Même si vous ne recevez pas le livre de la part des psychothérapeutes que nous avons formés, nous pensons que vous pouvez l’utiliser améliorer votre relation et augmenter l’intimité dans votre couple. Certains d’entre vous peuvent vouloir utiliser le livre en cherchant une aide professionnelle auprès d’un psychothérapeute de couple (voir le chapitre 17). D’autres estimeront que le livre à lui seul est suffisant. Notre étude s’est focalisée exclusivement sur des couples mariés. Bien que l’échantillon de couples mariés soit diversifié, ce livre est écrit, dans son esprit, pour des conjoints. Mais nous avons aussi utilisé cette approche avec succès auprès de couples non mariés et nous croyons que tant que les deux partenaires sont engagés dans la relation, les mêmes principes s’appliquent. Les thèmes de conflit et de proximité sont universels et ils font partie de toute relation amoureuse, ils rendent ce livre très utile, que vous soyez mariés ou cohabitants. Il est tout autant approprié si vous êtes hétérosexuels, homosexuels ou lesbiennes. En raison de son principe sous-jacent d’acceptation, les couples d’appartenances ethniques et de cultures différentes devraient également le trouver très adapté à leurs besoins.
S’il y a une chose que nous avons découvert au cours de nos années de travail avec des couples, c’est que les conseils sont faciles à donner, difficiles à apprendre, et encore plus complexes à mettre en œuvre. Bien que ce livre soit destiné à accompagner deux personnes pour les guider dans la compréhension des manières d’interagir en couple, de ce qui cause les conflits et comment ils pourraient apaiser le leur, il évite exprès le « bon sens » ou le conseil « taille unique ». Au lieu de cela, nous vous guidons vers une compréhension idiosyncrasique de votre propre relation singulière et nous vous suggérons diverses façons de favoriser l’acceptation. Pour que chacun intègre ces éléments, nous avons illustré le texte de cas de couples faisant face aux mêmes et aussi nombreux problèmes que les vôtres. En tant qu’auteur principal de ce livre, j’ai tiré ces exemples de ma propre pratique de la thérapie de couple, de mes supervisions et de mon expérience personnelle, mais chaque cas est présenté différemment afin de protéger la confidentialité des personnes réelles.
Parce que le conflit est une fenêtre ouverte sur les fragilités et les sensibilités des partenaires qui se font la guerre, autant que la menace d’une aliénation, il offre pourtant la promesse d’une plus grande connexion. Nous croyons qu’en comprenant vos conflits et en acceptant au travers de vos émotions votre rôle dans le conflit, vous et votre partenaire, vous parviendrez tous les deux à atteindre une véritable intimité. Vous pouvez, à la fin, concilier vos différences, ces différences qui vous séparent mais qui vous relient naturellement.
ANDREW CHRISTENSEN
Los Angeles, juin 2012
Présentation de la traduction française
Cette traduction répond à deux besoins spécifiques. (1) Pour les couples en difficulté, auxquels il est initialement destiné, cet ouvrage constitue une aide précieuse fondée sur l’étude systémique, systématique et précise des véritables processus de la vie des couples et leur compréhension dans le cadre de ce qu’il est réellement possible d’obtenir par une thérapie de couple ou par une auto-application si la simple lecture est suffisante. Ce livre ne se fonde pas sur des recettes ou des pseudo-bons-conseils de savoir-vivre en couple, mais sur des faits scientifiques. (2) Pour les thérapeutes cognitivo-comportementalistes ou d’autres courants, cet ouvrage n’a pas d’équivalent quant à la mise en forme de ce qui est cliniquement repérable et actif chez tout couple, et a été empiriquement validé et prouvé. Il décrit le processus thérapeutique d’acceptation face aux processus de dégradation tels que les couples en détresse les vivent, confrontés à leurs différences qu’ils considèrent comme des incompatibilités….
La post face en fin d’ouvrage, p 415, sera brièvement explicative du modèle de Thérapie Comportementale Intégrative de Couple (IBCT), afin que les professionnels puissent s’informer de son originalité. Nous rappelons que la validation de l’IBCT s’appuie spécifiquement sur des études de résultats auprès des couples les plus en détresse.
Cette traduction se justifie par son contexte : l’ouvrage le meilleur et le plus utilisé de l’autre côté de l’Atlantique, des travaux qui ne sont que récemment introduits en Europe. Avec l’accord du professeur Andrew Christensen, nous avons traduit fidèlement le texte, en l’adaptant aux formulations et données européennes, en le commentant parfois. Je remercie ici mes collègues de traduction, Catherine Lessault qui m’a apporté un soutien attentionné, Violeta Parvanova, psychologue clinicienne rigoureuse et enthousiaste, et Vincent Gay qui a bien voulu y croire. Je remercie aussi pour leurs conseils, leur relecture et leurs corrections, Frédérique Petit (pour son apport d’informations), Rosemarie Bourgault, Françoise Lauer (pour l’apport de données), Philippe Martin et le Dr Florian Wsichianski. La publication de ce livre a été rendue possible par l’attention que Christophe André, Ilios Kotsou, Frédéric Fanget, Guy Bodenmann et Jacques Miermont ont bien voulu nous porter.
Je remercie Andrew Christensen, avant tout pour les ateliers de formation qu’il a accepté d’animer en France où le domaine des thérapies comportementales des couples était quasiment vierge ou à l’abandon. Malgré la difficulté d’un public français parlant relativement peu l’anglais et manquant de pratique, Andrew Christensen est venu nous apporter la lumière. La thérapie des couples a jusqu’ici été le parent pauvre des TCC en France, alors qu’en Amérique du Nord le behaviorisme fait autorité dans ce domaine, tellement ses modèles ont bénéficié de véritables recherches et des meilleurs enseignants. Dans ce sens, ce livre est une étape du développement en France de pratiques efficaces en thérapie de couple. C’est ce que nous avons commencé avec les ateliers d’Andrew Christensen à Paris en 2009, 2011 et en Belgique en 2011, Suisse 2012, France 2013 …
J’exprime ma gratitude à Andrew Christensen pour sa confiance et pour m’avoir accordé l’autorisation et la responsabilité de la traduction de son livre, et bien sûr pour l’avoir écrit.
François Allard, mai 2012
[1] Neil Jacobson en prenant le risque de publier lui-même, de son plein gré et sans contrainte, ces résultats qui remettaient en partie en cause un aspect de son propre modèle TBCT, pourtant validé, a créé un véritable séisme dans le monde de la recherche, ce qui a inauguré une politique de visibilité. Créant un mouvement de collaboration entre chercheurs de tous bords, cela a fait avancer de manière phénoménale les connaissances dans ce domaine. En fait, ce type de position scientifique s’est avéré la base éthique de ce qu’on appelle la troisième vague des thérapies cognitives et comportementales. La probité scientifique de A. Christensen et N. Jacobson, au côté d’autres membres de ce courant du Contextualisme Fonctionnel, D. Baucom, J. Cordova, S. Hayes, M. Linehan, R. Harris, C. André, G. Bodenmann, I. Kotsou, K. Wilson, (connus en France) et bien d’autres, a permis ce bond en avant du behaviorisme, une avancée qui a pu atteindre l’Europe ces récentes années, et dont la parution de ce présent livre est le garant. (NDT)